Aux confins de la Mayenne et de la Sarthe, parenthèse dans l'atelier de la céramiste Anne Corre, entourée de ses sculptures à la sérénité contagieuse.
Un corps de ferme au bout d'un chemin. Au bout du monde. Ou plutôt au cœur de la belle campagne vallonnée des Coëvrons. Cette matinée de fin octobre, une lumière automnale inonde de ses rayons dorés Saint-Martin-de-Connée. Minuscule village, à 1 heure au nord-est de Laval et quelques centaines de mètres de la frontière sarthoise.
C'est là, à La Sollerie, ancienne ferme méticuleusement rénovée pierre par pierre par son compagnon, qu'Anne Corre travaille, lorsqu'elle n’œuvre pas dans son atelier lavallois. C'est là aussi, dans une dépendance éclairée par une vaste baie vitrée, qu'elle accueille stages et ateliers d'initiation à la céramique, « loin du tumulte et de l'agitation ».
Artiste, la sculptrice transmet aussi son art, à son compte donc, mais aussi au sein de l'atelier public de sculpture de Laval, où elle accompagne des artistes amateurs dans leurs créations.
C'est d'ailleurs à l’APSL qu'elle s'initiera à la sculpture, entre 1990 et 1995, en parallèle de son job de graphiste. Le hobby devient une passion lorsqu'elle découvre la céramique. Cette technique, aujourd'hui en plein renouveau, marie idéalement à ses yeux peinture et sculpture, science du volume et art pictural. En 2012, elle expose pour la première fois. Puis son activité se développe. À tel point qu'en 2017, elle lâche son boulot pour s'y consacrer in extenso. Grand saut et virage délicat. « J'avais 50 ans. Pas d'enfant et plus d'emprunt à rembourser. C'était le moment ou jamais. »
Douceurs pastel
Est-ce dû à la pratique du conte, à laquelle elle s'adonnera un temps : très vite, de ses mains naîtront des personnages, qui chacun raconte une histoire. Comme son « petit peuple des anciens », vieilles dames et vieux monsieurs, aux corps façonnés par les travaux des champs, témoins d'une civilisation rurale en voie de disparition, dont beaucoup d'entre nous sont les descendants.
Anne Corre aime leur vulnérabilité, l'absence chez eux de tout souci des apparences. Comme chez les enfants et adolescents, autres figures récurrentes de son travail, souvent représentés "les pieds dans l'eau" et le regard perdu dans de nuageuses rêveries. "Certains vivent leur adolescence sans heurt, ça n'a pas été mon cas", confie-t-elle, pour expliquer pourquoi elle revient si souvent sonder les doutes et les failles de cet âge indécis.
Jeunes ou vieux, les personnages que la céramiste façonne avec une tendresse maternelle partage tous un air de famille : même tête ronde aux traits réguliers, même regard empreint de bienveillance malicieuse, de douceur ou de sérénité. Un regard qui ressemble à s'y méprendre à celui de leur génitrice, dont les yeux ont capturé un peu du bleu de l'océan atlantique, au bord duquel elle a grandi. Des réminiscences de son enfance bretonne, passée à Roscoff, ressurgissent très régulièrement dans ses œuvres, baigneurs ou baigneuses en tenue de plage, poissons, marinières, coquillages et crustacés.
Couleurs tendres composées et associées avec un soin savant, douceurs pastel, surfaces comme usées par la patine du temps ou la morsure de l'eau salée, textures rugueuses ou brillance émaillée… Les céramiques d’Anne Corre invitent à la caresse comme à la contemplation : on a envie de regarder longuement ces personnages dont on se sent vite familier, envie de se laisser gagner par l’innocence, la quiétude et la joie simple dont ils rayonnent, envie de répondre aux sourires de ces êtres de terre qui font du bien à l'âme.
Playliste
1- Jacques Higelin - Tête en l’air
2- Gabriel Fauré – Pavane op. 50
3- Laurent Voulzy - Le rêve du pêcheur
4- Birds on a wire - Bird on a wire